Nonje ne regrette toujours rien Livre d'occasion Ă©crit par Dumont, Charles paru en 2012 aux Ă©ditions Calmann-LĂ©vy, . ThĂšme : LITTÉRATURE GÉNÉRALE - Biographies, MĂ©moires - Biographies Code ISBN / EAN : La photo de couverture n’est pas contractuelle. La mort n’est rien Je suis simplement passĂ© dans la piĂšce Ă  cĂŽtĂ©. Je suis moi. Tu es toi. Ce que nous Ă©tions l’un pour l’autre, nous le sommes toujours. Donne-moi le nom que tu m’a toujours donnĂ©. Parle-moi comme tu l’as toujours fait. N’emploie pas de ton diffĂ©rent. Ne prends pas un air solennel ou triste. Continue Ă  rire de ce qui nous faisait vivre ensemble. Prie. Souris. Pense Ă  moi. Prie pour moi. Que mon nom soit toujours prononcĂ© Ă  la maison comme il l’a toujours Ă©tĂ©. Sans emphase d’aucune sorte et sans trace d’ombre. La vie signifie ce qu’elle a toujours signifiĂ©. Elle reste ce qu’elle a toujours Ă©tĂ©. Le fil n’est pas coupĂ©. Pourquoi serais-je hors de ta pensĂ©e, Simplement parce que je suis hors de ta vue ? Je t’attends. Je ne suis pas loin. Juste de l’autre cĂŽtĂ© du chemin. Tu vois, tout est bien. Charles PĂ©guy d’aprĂšs une priĂšre de Saint Augustin PriĂšrede Charles PĂ©guy La mort n’est rien Je suis seulement passĂ© dans la piĂšce d’à cĂŽtĂ© Je suis moi, vous ĂȘtes vous. Ce que nous Ă©tions les uns pour les autres, nous le sommes toujours. Donnez le
L'amour ne disparaĂźt pas de Charles PĂ©guy La mort n'est rien je suis seulement dans la piĂšce d'Ă  cĂŽtĂ© Je suis moi, vous ĂȘtes vous Ce que j'Ă©tais pour vous, je le resterai toujours Donnez moi le prĂ©nom que vous m'avez toujours donnĂ© Parlez moi comme vous l'avez toujours fait N'employez pas un ton diffĂ©rent Ne prenez pas un ton solennel ou triste Continuez Ă  rire de ce qui nous faisait rire ensemble Priez, souriez, pensez Ă  moi Que mon prĂ©nom soit prononcĂ© Ă  la maison Comme il l'a toujours Ă©tĂ© Sans emphase d'aucune sorte, sans trace d'ombre ! La vie signifie ce qu'elle a toujours signifiĂ© Elle est toujours ce qu'elle a Ă©tĂ© Le fil n'est pas coupĂ© Pourquoi serais-je hors de votre pensĂ©e Simplement parce que je suis hors de votre vue ? Je vous attends Je ne suis pas loin, Juste de l'autre cĂŽtĂ©...
Cematin l'excellente Ă©mission religieuse de l'Orthodoxie sur Antenne 2 nous a trĂšs bien parlĂ© du grand poĂšte français Charles Peguy et de ses liens avec la spiritualitĂ© orthodoxe. PoĂšme de Charles Peguy Ă  propos de la mort d'un proche. Le fil n'est pas Étoile de la mer voici la lourde nappe Et la profonde houle et l’ocĂ©an des blĂ©s Et la mouvante Ă©cume et nos greniers comblĂ©s, Voici votre regard sur cette immense chape Et voici votre voix sur cette lourde plaine Et nos amis absents et nos cƓurs dĂ©peuplĂ©s, Voici le long de nous nos poings dĂ©sassemblĂ©s Et notre lassitude et notre force pleine. Étoile du matin, inaccessible reine, Voici que nous marchons vers votre illustre cour, Et voici le plateau de notre pauvre amour, Et voici l’ocĂ©an de notre immense peine. Un sanglot rĂŽde et court par-delĂ  l’horizon. À peine quelques toits font comme un archipel. Du vieux clocher retombe une sorte d’appel. L’épaisse Ă©glise semble une basse maison. Ainsi nous naviguons vers votre cathĂ©drale. De loin en loin surnage un chapelet de meules, Rondes comme des tours, opulentes et seules Comme un rang de chĂąteaux sur la barque amirale. Deux mille ans de labeur ont fait de cette terre Un rĂ©servoir sans fin pour les Ăąges nouveaux. Mille ans de votre grĂące on fait de ces travaux Un reposoir sans fin pour l’ñme solitaire. Vous nous voyez marcher sur cette route droite, Tout poudreux, tout crottĂ©s, la pluie entre les dents. Sur ce large Ă©ventail ouvert Ă  tous les vents La route nationale est notre porte Ă©troite. Nous allons devant nous, les mains le long des poches, Sans aucun appareil, sans fatras, sans discours, D’un pas toujours Ă©gal, sans hĂąte ni recours, Des champs les plus prĂ©sents vers les champs les plus proches. Vous nous voyez marcher, nous sommes la piĂ©taille. Nous n’avançons jamais que d’un pas Ă  la fois. Mais vingt siĂšcles de peuple et vingt siĂšcles de rois, Et toute leur sĂ©quelle et toute leur volaille Et leurs chapeaux Ă  plume avec leur valetaille Ont appris ce que c’est que d’ĂȘtre familiers, Et comme on peut marcher, les pieds dans ses souliers, Vers un dernier carrĂ© le soir d’une bataille. Nous sommes nĂ©s pour vous au bord de ce plateau, Dans le recourbement de notre blonde Loire, Et ce fleuve de sable et ce fleuve de gloire N’est lĂ  que pour baiser votre auguste manteau. Nous sommes nĂ©s au bord de ce vaste plateau, Dans l’antique OrlĂ©ans sĂ©vĂšre et sĂ©rieuse, Et la Loire coulante et souvent limoneuse N’est lĂ  que pour laver les pieds de ce coteau. Nous sommes nĂ©s au bord de votre plate Beauce Et nous avons connu dĂšs nos plus jeunes ans Le portail de la ferme et les durs paysans Et l’enclos dans le bourg et la bĂȘche et la fosse. Nous sommes nĂ©s au bord de votre Beauce plate Et nous avons connu dĂšs nos premiers regrets Ce que peut recĂ©ler de dĂ©sespoirs secrets Un soleil qui descend dans un ciel Ă©carlate Et qui se couche au ras d’un sol inĂ©vitable Dur comme une justice, Ă©gal comme une barre, Juste comme une loi, fermĂ© comme une mare, Ouvert comme un beau socle et plan comme une table. Un homme de chez nous, de la glĂšbe fĂ©conde A fait jaillir ici d’un seul enlĂšvement, Et d’une seule source et d’un seul portement, Vers votre assomption la flĂšche unique au monde. Tour de David voici votre tour beauceronne. C’est l’épi le plus dur qui soit jamais montĂ© Vers un ciel de clĂ©mence et de sĂ©rĂ©nitĂ©, Et le plus beau fleuron dedans votre couronne. Un homme de chez nous a fait ici jaillir, Depuis le ras du sol jusqu’au pied de la croix, Plus haut que tous les saints, plus haut que tous les rois, La flĂšche irrĂ©prochable et qui ne peut faillir. C’est la gerbe et le blĂ© qui ne pĂ©rira point, Qui ne fanera point au soleil de septembre, Qui ne gĂšlera point aux rigueurs de dĂ©cembre, C’est votre serviteur et c’est votre tĂ©moin. C’est la tige et le blĂ© qui ne pourrira pas, Qui ne flĂ©trira point aux ardeurs de l’étĂ©, Qui ne moisira point dans un hiver gĂątĂ©, Qui ne transira point dans le commun trĂ©pas. C’est la pierre sans tache et la pierre sans faute, La plus haute oraison qu’on ait jamais portĂ©e, La plus droite raison qu’on ait jamais jetĂ©e, Et vers un ciel sans bord la ligne la plus haute. Celle qui ne mourra le jour d’aucunes morts, Le gage et le portrait de nos arrachements, L’image et le tracĂ© de nos redressements, La laine et le fuseau des plus modestes sorts. Nous arrivons vers vous du lointain Parisis. Nous avons pour trois jours quittĂ© notre boutique, Et l’archĂ©ologie avec la sĂ©mantique, Et la maigre Sorbonne et ses pauvres petits. D’autres viendront vers vous du lointain Beauvaisis. Nous avons pour trois jours laissĂ© notre nĂ©goce, Et la rumeur gĂ©ante et la ville colosse, D’autres viendront vers vous du lointain CambrĂ©sis. Nous arrivons vers vous de Paris capitale. C’est lĂ  que nous avons notre gouvernement, Et notre temps perdu dans le lanternement, Et notre libertĂ© dĂ©cevante et totale. Nous arrivons vers vous de l’autre Notre-Dame, De celle qui s’élĂšve au cƓur de la citĂ©, Dans sa royale robe et dans sa majestĂ©, Dans sa magnificence et sa justesse d’ñme. Comme vous commandez un ocĂ©an d’épis, LĂ -bas vous commandez un ocĂ©an de tĂȘtes, Et la moisson des deuils et la moisson des fĂȘtes Se couche chaque soir devant votre parvis. Nous arrivons vers vous du noble Hurepoix. C’est un commencement de Beauce Ă  notre usage, Des fermes et des champs taillĂ©s Ă  votre image, Mais coupĂ©s plus souvent par des rideaux de bois, Et coupĂ©s plus souvent par de creuses vallĂ©es Pour l’Yvette et la BiĂšvre et leurs accroissements, Et leurs savants dĂ©tours et leurs dĂ©gagements, Et par les beaux chĂąteaux et les longues allĂ©es. D’autres viendront vers vous du noble Vermandois, Et des vallonnements de bouleaux et de saules. D’autres viendront vers vous des palais et des geĂŽles. Et du pays picard et du vert VendĂŽmois. Mais c’est toujours la France, ou petite ou plus grande, Le pays des beaux blĂ©s et des encadrements, Le pays de la grappe et des ruissellements, Le pays de genĂȘts, de bruyĂšre, de lande. Nous arrivons vers vous du lointain Palaiseau Et des faubourgs d’Orsay par Gometz-le-ChĂątel, Autrement dit Saint-Clair ; ce n’est pas un castel ; C’est un village au bord d’une route en biseau. Nous avons dĂ©bouchĂ©, montant de ce coteau, Sur le ras de la plaine et sur Gometz-la-Ville Au-dessus de Saint-Clair ; ce n’est pas une ville ; C’est un village au bord d’une route en plateau. Nous avons descendu la cĂŽte de Limours. Nous avons rencontrĂ© trois ou quatre gendarmes. Ils nous ont regardĂ©, non sans quelques alarmes, Consulter les poteaux aux coins des carrefours. Nous avons pu coucher dans le calme Dourdan. C’est un gros bourg trĂšs riche et qui sent sa province. Fiers nous avons longĂ©, regardĂ©s comme un prince, Les fossĂ©s du chĂąteau coupĂ©s comme un redan. Dans la maison amie, hĂŽtesse et fraternelle On nous a fait coucher dans le lit du garçon. Vingt ans de souvenirs Ă©taient notre Ă©chanson. Le pain nous fut coupĂ© d’une main maternelle. Toute notre jeunesse Ă©tait lĂ  solennelle. On prononça pour nous le BĂ©nĂ©dicitĂ©. Quatre siĂšcles d’honneur et de fidĂ©litĂ© Faisaient des draps du lit une couche Ă©ternelle. Nous avons fait semblant d’ĂȘtre un gai pĂšlerin Et mĂȘme un bon vivant et d’aimer les voyages, Et d’avoir parcouru cent trente-et-un bailliages, Et d’ĂȘtre accoutumĂ©s d’ĂȘtre sur le chemin. La clartĂ© de la lampe Ă©blouissait la nappe. On nous fit visiter le jardin potager. Il donnait sur la treille et sur un beau verger. Tel fut le premier gĂźte et la tĂȘte d’étape. Le jardin Ă©tait clos dans un coude de l’Orge. Vers la droite il donnait sur un mur bocager SurmontĂ© de rameaux et d’un arceau lĂ©ger. En face un marĂ©chal, et l’enclume, et la forge. Nous nous sommes levĂ©s ce matin devant l’aube. Nous nous sommes quittĂ©s aprĂšs les beaux adieux. Le temps s’annonçait bien. On nous a dit tant mieux. On nous a fait goĂ»ter de quelque bƓuf en daube, Puisqu’il est entendu que le bon pĂšlerin Est celui qui boit ferme et tient sa place Ă  table, Et qu’il n’a pas besoin de faire le comptable, Et que c’est bien assez de se lever matin. Le jour Ă©tait en route et le soleil montait Quand nous avons passĂ© Sainte-Mesme et les autres. Nous avancions dĂ©jĂ  comme deux bons apĂŽtres. Et la gauche et la droite Ă©tait ce qui comptait. Nous sommes remontĂ©s par le GuĂ© de Longroy. C’en est fait dĂ©sormais de nos atermoiements, Et de l’iniquitĂ© des dĂ©nivellements Voici la juste plaine et le secret effroi De nous trouver tout seuls et voici le charroi Et la roue et les bƓufs et le joug et la grange, Et la poussiĂšre Ă©gale et l’équitable fange Et la dĂ©tresse Ă©gale et l’égal dĂ©sarroi. Nous voici parvenus sur la haute terrasse OĂč rien ne cache plus l’homme de devant Dieu, OĂč nul dĂ©guisement ni du temps ni du lieu Ne pourra nous sauver, Seigneur, de votre chasse. Voici la gerbe immense et l’immense liasse, Et le grain sous la meule et nos Ă©crasements, Et la grĂȘle javelle et nos renoncements, Et l’immense horizon que le regard embrasse. Et notre indignitĂ© cette immuable masse, Et notre basse peur en un pareil moment, Et la juste terreur et le secret tourment De nous trouver tout seuls par devant votre face. Mais voici que c’est vous, reine de majestĂ©, Comment avons-nous pu nous laisser dĂ©cevoir, Et marcher devant vous sans vous apercevoir. Nous serons donc toujours ce peuple inconcertĂ©. Ce pays est plus ras que la plus rase table. À peine un creux du sol, Ă  peine un lĂ©ger pli. C’est la table du juge et le fait accompli, Et l’arrĂȘt sans appel et l’ordre inĂ©luctable. Et c’est le prononcĂ© du texte insurmontable, Et la mesure comble et c’est le sort empli, Et c’est la vie Ă©tale et l’homme enseveli, Et c’est le hĂ©raut d’arme et le sceau redoutable. Mais vous apparaissez, reine mystĂ©rieuse. Cette pointe lĂ -bas dans le moutonnement Des moissons et des bois et dans le flottement De l’extrĂȘme horizon ce n’est point une yeuse, Ni le profil connu d’un arbre interchangeable. C’est dĂ©jĂ  plus distante, et plus basse, et plus haute, Ferme comme un espoir sur la derniĂšre cĂŽte, Sur le dernier coteau la flĂšche inimitable. D’ici vers vous, ĂŽ reine, il n’est plus que la route. Celle-ci nous regarde, on en a bien fait d’autres. Vous avez votre gloire et nous avons les nĂŽtres. Nous l’avons entamĂ©e, on la mangera toute. Nous savons ce que c’est qu’un tronçon qui s’ajoute Au tronçon dĂ©jĂ  fait et ce qu’un kilomĂštre Demande de jarret et ce qu’il faut en mettre Nous passerons ce soir par le pont et la voĂ»te Et ce fossĂ© profond qui cerne le rempart. Nous marchons dans le vent coupĂ©s par les autos. C’est ici la contrĂ©e imprenable en photos, La route nue et grave allant de part en part. Nous avons eu bon vent de partir dĂšs le jour. Nous coucherons ce soir Ă  deux pas de chez vous, Dans cette vieille auberge oĂč pour quarante sous Nous dormirons tout prĂšs de votre illustre tour. Nous serons si fourbus que nous regarderons, Assis sur une chaise auprĂšs de la fenĂȘtre, Dans un Ă©crasement du corps et de tout l’ĂȘtre, Avec des yeux battus, presque avec des yeux ronds, Et les sourcils haussĂ©s jusque dedans nos fronts, L’angle une fois trouvĂ© par un seul homme au monde, Et l’unique montĂ©e ascendante et profonde, Et nous serons recrus et nous contemplerons. Voici l’axe et la ligne et la gĂ©ante fleur. Voici la dure pente et le contentement. Voici l’exactitude et le consentement. Et la sĂ©vĂšre larme, ĂŽ reine de douleur. Voici la nuditĂ©, le reste est vĂȘtement. Voici le vĂȘtement, tout le reste est parure. Voici la puretĂ©, tout le reste est souillure. Voici la pauvretĂ©, le reste est ornement. Voici la seule force et le reste est faiblesse. Voici l’arĂȘte unique et le reste est bavure. Et la seule noblesse et le reste est ordure. Et la seule grandeur et le reste est bassesse. Voici la seule foi qui ne soit point parjure. Voici le seul Ă©lan qui sache un peu monter. Voici le seul instant qui vaille de compter. Voici le seul propos qui s’achĂšve et qui dure. Voici le monument, tout le reste est doublure. Et voici notre amour et notre entendement. Et notre port de tĂȘte et notre apaisement. Et le rien de dentelle et l’exacte moulure. Voici le beau serment, le reste est forfaiture. Voici l’unique prix de nos arrachements, Le salaire payĂ© de nos retranchements. Voici la vĂ©ritĂ©, le reste est imposture. Voici le firmament, le reste est procĂ©dure. Et vers le tribunal voici l’ajustement. Et vers le paradis voici l’achĂšvement. Et la feuille de pierre et l’exacte nervure. Nous resterons clouĂ©s sur la chaise de paille. Et nous n’entendrons pas et nous ne verrons pas Le tumulte des voix, le tumulte des pas, Et dans la salle en bas l’innocente ripaille. Ni les rouliers venus pour le jour du marchĂ©. Ni la feinte colĂšre et l’éclat des jurons Car nous contemplerons et nous mĂ©diterons D’un seul embrassement la flĂšche sans pĂ©chĂ©. Nous ne sentirons pas ni nos faces raidies, Ni la faim ni la soif ni nos renoncements, Ni nos raides genoux ni nos raisonnements, Ni dans nos pantalons nos jambes engourdies. Perdus dans cette chambre et parmi tant d’hĂŽtels, Nous ne descendrons pas Ă  l’heure du repas, Et nous n’entendrons pas et nous ne verrons pas La ville prosternĂ©e au pied de vos autels. Et quand se lĂšvera le soleil de demain, Nous nous rĂ©veillerons dans une aube lustrale, À l’ombre des deux bras de votre cathĂ©drale, Heureux et malheureux et perclus du chemin. Nous venons vous prier pour ce pauvre garçon Qui mourut comme un sot au cours de cette annĂ©e, Presque dans la semaine et devers la journĂ©e OĂč votre fils naquit dans la paille et le son. Ô Vierge, il n’était pas le pire du troupeau. Il n’avait qu’un dĂ©faut dans sa jeune cuirasse. Mais la mort qui nous piste et nous suit Ă  la trace A passĂ© par ce trou qu’il s’est fait dans la peau. Il Ă©tait nĂ© vers nous dans notre GĂątinais. Il commençait la route oĂč nous redescendons. Il gagnait tous les jours tout ce que nous perdons. Et pourtant c’était lui que tu te destinais, Ô mort qui fus vaincue en un premier caveau. Il avait mis ses pas dans nos mĂȘmes empreintes. Mais le seul manquement d’une seule des craintes Laissa passer la mort par un chemin nouveau. Le voici maintenant dedans votre rĂ©gence. Vous ĂȘtes reine et mĂšre et saurez le montrer. C’était un ĂȘtre pur. Vous le ferez rentrer Dans votre patronage et dans votre indulgence. Ô reine qui lisez dans le secret du cƓur, Vous savez ce que c’est que la vie ou la mort, Et vous savez ainsi dans quel secret du sort Se coud et se dĂ©coud la ruse du traqueur. Et vous savez ainsi sur quel accent du chƓur Se noue et se dĂ©noue un accompagnement, Et ce qu’il faut d’espace et de dĂ©boisement Pour laisser dĂ©bouler la meute du piqueur. Et vous savez ainsi dans quel recreux du port Se prĂ©pare et s’achĂšve un noble enlĂšvement, Et par quel jeu d’adresse et de gouvernement Se dĂ©robe ou se fixe un illustre support. Et vous savez ainsi sur quel tranchant du glaive Se joue et se dĂ©joue un Ă©pouvantement, Et par quel coup de pouce et quel balancement L’un des plateaux descend pour que l’autre s’élĂšve. Et ce que peut coĂ»ter la lĂšvre du moqueur, Et ce qu’il faut de force et de recroisement Pour faire par le coup d’un seul retournement D’un vaincu malheureux un malheureux vainqueur. MĂšre le voici donc, il Ă©tait notre race, Et vingt ans aprĂšs nous notre redoublement. Reine recevez-le dans votre amendement. OĂč la mort a passĂ©, passera bien la grĂące. Nous, nous retournerons par ce mĂȘme chemin. Ce sera de nouveau la terre sans cachette, Le chĂąteau sans un coin et sans une oubliette, Et ce sol mieux gravĂ© qu’un parfait parchemin. Et nunc et in hora, nous vous prions pour nous Qui sommes plus grands sots que ce pauvre gamin, Et sans doute moins purs et moins dans votre main, Et moins acheminĂ©s vers vos sacrĂ©s genoux. Quand nous aurons jouĂ© nos derniers personnages, Quand nous aurons posĂ© la cape et le manteau, Quand nous aurons jetĂ© le masque et le couteau, Veuillez vous rappeler nos longs pĂšlerinages. Quand nous retournerons en cette froide terre, Ainsi qu’il fut prescrit pour le premier Adam, Reine de Saint-ChĂ©ron, Saint-Arnould et Dourdan, Veuillez vous rappeler ce chemin solitaire. Quand on nous aura mis dans une Ă©troite fosse, Quand on aura sur nous dit l’absoute et la messe, Veuillez vous rappeler, reine de la promesse, Le long cheminement que nous faisons en Beauce. Quand nous aurons quittĂ© ce sac et cette corde, Quand nous aurons tremblĂ© nos derniers tremblements, Quand nous aurons raclĂ© nos derniers raclements, Veuillez vous rappelez votre misĂ©ricorde. Nous ne demandons rien, refuge du pĂ©cheur, Que la derniĂšre place en votre Purgatoire, Pour pleurer longuement notre tragique histoire, Et contempler de loin votre jeune splendeur. 1913
CharlesPEGUY - d'aprÚs un texte de Saint Augustin-Charles Pierre Péguy, né le 7 janvier 1873 à Orléans et mort pour la France le 5 septembre 1914 à Villeroy, est un écrivain,
La critique de Charles PĂ©guy Ă  l'Ă©gard du monde moderne est sans conteste l'une des plus radicales. Mais le fondateur des Cahiers de la Quinzaine est Ă©galement l'un des Ă©crivains les plus rĂ©cupĂ©rĂ©s, Ă  gauche comme Ă  droite. Dans PĂ©guy, un enfant contre le monde moderne PremiĂšre Partie, coll. "Vraiment alternatifs", 2018, Matthieu Giroux nous aide Ă  comprendre l’Ɠuvre Ă  partir de l'OrlĂ©anais. Marianne Il semblerait qu'on assiste aujourd'hui Ă  un retour de Charles PĂ©guy. A droite, Ă  gauche, et parfois Ă  tort et Ă  travers, le fondateur des Cahiers de la Quinzaine est revendiquĂ© comme un maitre, un guide ou une rĂ©fĂ©rence essentielle. Certains dĂ©sormais s'en rĂ©clament pour "rĂ©nover la droite de conviction", "dĂ©fendre les vertus de l'enracinement et l'Ă©cologie intĂ©grale avec le pape François" ou" retrouver les voies d'un socialisme authentiquement populaire". On rencontre mĂȘme des pĂ©guystes sociaux-dĂ©mocrates et macronistes ! Comment jugez-vous ce regain, parfois dĂ©sordonnĂ©, de PĂ©guysme ?Matthieu Giroux Il y a un regain d'intĂ©rĂȘt pour Charles PĂ©guy depuis 2014et la cĂ©lĂ©bration du centenaire de sa mort. L'enthousiasme n'est pas retombĂ© depuis comme l'attestent les livres sur PĂ©guy qui continuent de sortir chaque annĂ©e. Il est vrai que PĂ©guy suscite l'admiration de personnalitĂ©s aux convictions opposĂ©es qui sont toujours tentĂ©es de tirer PĂ©guy vers elles. Une chose m'a frappĂ© cependant en assistant Ă  des colloques ou en discutant avec certaines des personnes que vous citez les pĂ©guystes, d'oĂč qu'ils viennent, sont sincĂšres dans leur pĂ©guysme. On peut contester les interprĂ©tations qu'ils font de PĂ©guy - le PĂ©guy de Finkielkraut est peut-ĂȘtre trop "barrĂ©sien", celui de Plenel trop "de gauche", celui de Moix trop "hĂ©tĂ©rodoxe" - mais ce sont tous des lecteurs attentifs et on ne peut sĂ©rieusement soutenir qu'ils se servent de lui. Leur pĂ©guysme n'est pas cynique. Je ne dirais pas la mĂȘme chose des rĂ©cupĂ©rations politiques auxquelles vous faites allusion. Je ne supporte pas qu'on rĂ©duise PĂ©guy Ă  quelques slogans, qu'on appauvrisse la richesse et la complexitĂ© de sa pensĂ©e. Beaucoup le citent sans mĂȘme l'avoir lu. PĂ©guy ne s'utilise pas, il se lit, se relit et se mĂ©dite. Le style de PĂ©guy rappelle parfois le style sublime et primitif de l'Ancien Testament, une Ă©criture toute imprĂ©gnĂ©e de sens et antĂ©rieure Ă  la littĂ©rature. Le titre de votre livre est Charles PĂ©guy, un enfant contre le monde moderne. Quel est cet enfant ? Peut-on le rapprocher de l'enfant que Nietzsche Ă©voque dans Ainsi parlait Zarathoustra "L'enfant est ignorance et oubli, un nouveau commencement et un jeu, une roue qui roule sur elle-mĂȘme, un premier mouvement, un ''oui'' sacrĂ©." Est-il aussi l'enfant des Évangiles, exemple de saintetĂ© et d'innocence ?L'enfant que dĂ©crit Nietzsche ressemble en partie Ă  celui de PĂ©guy. L'enfant de PĂ©guy est ignorant dans la mesure oĂč il est "sans expĂ©rience", mais son ignorance est paradoxalement la plus grande des connaissances. L'enfant de PĂ©guy ne sait rien du monde et c'est tant mieux, il sait ce qui est antĂ©rieur au monde. Il est au plus prĂšs de la source de la vie, de l'innocence originelle, de l'Ă©ternel jaillissement qui est au commencement de tout. L'enfant est celui qui est le plus proche de Dieu car toute naissance est une crĂ©ation recommencĂ©e. Le titre de mon livre est peut-ĂȘtre abusif Charles PĂ©guy n'est plus un enfant. Il est tourmentĂ© par le sentiment de la perte qu'implique toute vie car "on descend tout le temps". "C'est l'enfant qui est plein et c'est l'homme qui est vide", Ă©crit-il aussi. Cette idĂ©e est centrale. La vie est une fatale dĂ©gradation. En vieillissant, on diminue en innocence et en grĂące. PĂ©guy voit dans la puretĂ© morale des enfants un modĂšle pour la mystique. Il voit dans leur intransigeance une expression parfaite de l'honneur, honneur que les adultes ne font que style de PĂ©guy est parmi les plus singuliers de la littĂ©rature europĂ©enne. Certains lecteurs disent que c'est un fatras rĂ©pĂ©titif, d'autres louent son caractĂšre hypnotique et prĂ©cis Ă  la fois. PĂ©guy, comme CĂ©line, a trouvĂ© sa "petite musique", qui est d'ailleurs davantage une grande musique symphonique. Vous Ă©crivez dans votre avant-propos "Si PĂ©guy avait seulement voulu dire ''la vĂ©ritĂ©'' son style en aurait Ă©tĂ© changĂ©". Que nous dit cette Ă©criture particuliĂšre de Charles PĂ©guy lui-mĂȘme et de sa maniĂšre de penser ?Pour ĂȘtre prĂ©cis, j'Ă©cris, en citant la Lettre au provincial, que PĂ©guy ne veut pas seulement nous dire "la vĂ©ritĂ©" mais "toute la vĂ©ritĂ©" et c'est en cela que son style aurait pu ĂȘtre changĂ©. Je pense que cette prĂ©cision, qui rappelle le serment des tĂ©moins lors des procĂšs, est caractĂ©ristique du style et de la pensĂ©e de PĂ©guy. PĂ©guy, dans son exigence d'honnĂȘtetĂ©, dans son exigence mystique, veut tout nous dire. Il ne veut rien cacher quitte Ă  perdre des lecteurs, quitte Ă  perdre des amis. Il n'Ă©crit pas pour une clientĂšle ou pour faire carriĂšre, il Ă©crit parce qu'il est animĂ© par une soif de vĂ©ritĂ© intĂ©grale. L'Ă©criture de PĂ©guy a Ă©tĂ© beaucoup discutĂ©e. On a moquĂ© ses rĂ©pĂ©titions, ses anaphores, son oralitĂ©. J'ai appris rĂ©cemment que l'Ă©crivain Georges Hyvernaud lui reprochait "ces façons de mal parler exprĂšs, ces vulgaritĂ©s d’expression qui sont l’innocente dĂ©bauche des agrĂ©gĂ©s de grammaire". Quelle faussetĂ© dans le jugement ! Il faut bien plutĂŽt rejoindre Albert BĂ©guin qui disait que l'Ă©criture de PĂ©guy Ă©tait comparable Ă  une priĂšre. En effet, le style de PĂ©guy rappelle parfois le style sublime et primitif de l'Ancien Testament, une Ă©criture toute imprĂ©gnĂ©e de sens et antĂ©rieure Ă  la littĂ©rature. Pour PĂ©guy, l'habitude est la grande ennemie mĂ©taphysique et morale. Vous consacrez un chapitre de votre ouvrage Ă  "la critique de l'habitude". Dans la pensĂ©e de Charles PĂ©guy cette critique est, selon vous, centrale. Quelle est-elle, cette "habitude" que dĂ©nonce l'auteur de Notre jeunesse et pourquoi s'en libĂ©rer est pour lui essentielle ?Pour PĂ©guy, l'habitude est la grande ennemie mĂ©taphysique et morale. Dans un passage cĂ©lĂšbre, il Ă©crit "Il y a quelque chose de pire que d'avoir une mauvaise Ăąme [...] C'est d'avoir une Ăąme habituĂ©e." On peut dire, d'une certain façon, que l'habitude est pire que le mal ou, du moins, qu'elle est l'expression la plus radicale du mal. À ses yeux, l'habitude n'est pas un outil dont dispose l'homme pour attĂ©nuer le sentiment de l'effort ni une capacitĂ© qui permet d'effectuer des tĂąches de maniĂšre non rĂ©flexive, c'est un danger terrible pour la libertĂ© et pour le salut des hommes car elle les empĂȘche d'ĂȘtre touchĂ©s par la grĂące. Aux yeux de PĂ©guy, les adultes ont des Ăąmes habituĂ©es tandis que les enfants sont les ĂȘtres les moins habituĂ©s du monde. Être habituĂ©, c'est aussi accepter le monde tel qu'il est. Face aux injustices et aux malheurs, le sens commun affirme parfois "On s'habitue." Or PĂ©guy, parce qu'il veut s'Ă©lever Ă  la dignitĂ© morale d'un enfant, refuse de s' PĂ©guy est assurĂ©ment un antimoderne. Pierre Boutang Ă©crivait mĂȘme que, dans son rapport au politique notamment, le rĂ©publicain PĂ©guy Ă©tait plus rĂ©actionnaire que le monarchiste Charles Maurras. Qu'est-ce qui diffĂ©rencie ou rapproche PĂ©guy d'autres "antimodernes" tels Charles Baudelaire, LĂ©on Bloy, Georges Bernanos ou RenĂ© GuĂ©non ?Tout d'abord, je n'inscrirais pas GuĂ©non dans la tradition antimoderne. GuĂ©non est un traditionaliste qui se positionne en deçà de la modernitĂ©. Selon moi, on perd la spĂ©cificitĂ© de ce qu'est un " antimoderne", si on inclut une figure comme GuĂ©non. Un antimoderne - j'avoue avoir adoptĂ© la dĂ©finition certes imparfaite de Compagnon - n'est pas seulement quelqu'un qui critique la modernitĂ©. Un antimoderne est avant tout un Ă©crivain qui est emportĂ© par le mouvement de la modernitĂ©, c'est un moderne contrariĂ©. PĂ©guy est un critique virulent du monde moderne mais il est moderne pour de nombreuses raisons 1 il adhĂšre Ă  des idĂ©ologies politiques qui sont celles de la modernitĂ© la rĂ©publique, le socialisme, 2 son Ă©criture est parfaitement moderne mĂȘme s'il se considĂšre comme un classique dans la mesure oĂč son ego est omniprĂ©sent et 3 sa matiĂšre intellectuelle est l'Ă©vĂšnement Affaire Dreyfus et non les idĂ©es platoniciennes. Mais il est vrai que l'ethos de PĂ©guy est trĂšs "fĂ©odal", pour reprendre une autre expression de Boutang. Sa fascination pour la chevalerie mais aussi pour les cathĂ©drales, pour Jeanne d'Arc et pour l'ancienne France peut rappeler l'homme du Moyen Âge. PĂ©guy est un penseur de la patrie charnelle, il est attachĂ© Ă  la France des petits pays. Souverainistes jacobins et nationaux-rĂ©publicains se rĂ©clament rĂ©guliĂšrement de Charles PĂ©guy. Ils citent souvent ces pages de L'Argent suite oĂč PĂ©guy se proclame "vieux jacobin" et, sous les auspices de Richelieu et de Robespierre, dĂ©clare "La rĂ©publique une et indivisible, notre royaume de France". Mais le mĂȘme homme prĂ©fĂšre "un fatras vivant Ă  un ordre mort", a pu parfois opposer l'esprit de la chevalerie française Ă  celui des lĂ©gistes de Philippe Le Bel, est l'adversaire des monopoles et des centralismes – politiques et parlementaires autant qu'intellectuels et financiers - fait l'Ă©loge de ces anciens mondes organiques "riches de puissances diverses". PĂ©guy Ă©voque mĂȘme "le fĂ©dĂ©ralisme spontanĂ©e" de ces anciens mondes et de ces anciens rĂ©gimes. Qu'en penser ? Le PĂ©guy "vieux jacobin" contredit-il le PĂ©guy aux accents souvent libertaires et fĂ©dĂ©ralistes ? PĂ©guy est-il vraiment un prĂ©curseur de Jean-Pierre ChevĂšnement, un national-rĂ©publicain moderne ?J'ai du mal Ă  voir en PĂ©guy un dĂ©fenseur du centralisme froid et formel, centralisme qui ressemble beaucoup Ă  cet "ordre mort" qu'il combat. PĂ©guy est un penseur de la patrie charnelle, il est attachĂ© Ă  la France des petits pays. On sait l'amour qu'il porte pour sa Beauce natale. PĂ©guy Ă©crit "la RĂ©publique une et indivisible, c'est notre royaume de France" dans le contexte de la montĂ©e du pĂ©ril allemand. Je n'y vois pas forcĂ©ment une profession de foi jacobine, bien plutĂŽt cette façon caractĂ©ristique qu'a PĂ©guy de penser la continuitĂ© historique. Dans ce mĂȘme passage, il Ă©crit ensuite "D'autant que rien n'est aussi monarchique, et aussi royal, et aussi ancienne France que cette formule." C'est une idĂ©e trĂšs forte chez lui la RĂ©publique a Ă©tĂ© faite par les hommes de l'ancienne France et l'ancienne France a produit la RĂ©publique. La mystique rĂ©publicaine n'a Ă©tĂ© rendue possible que par la mystique rĂ©volutionnaire, elle-mĂȘme fille de la mystique de l'ancienne France. À ses yeux, la RĂ©publique n'est pas une production de la modernitĂ©, elle est l'hĂ©ritiĂšre d'un long processus historique qui trouve ses racines dans la grandeur du Moyen Âge.
Lamort n'est rien. Je suis seulement passé(e) de l'autre cÎté. Je suis moi. Tu es toi. Ce que nous étions l'un pour l'autre. Nous le sommes toujours. Donne-moi le nom que tu m'as toujours donné. Parle-moi comme tu l'as toujours fait. N'emploie pas un ton différent. Ne prends pas un air solennel ou triste. Continue à rire de ce qui nous
FIGAROVOX/TRIBUNE - À l'occasion de l'Assomption, le philosophe Damien Le Guay souligne la foi incarnĂ©e que vouait Ă  la Vierge l'auteur, mort Ă  la guerre il y a cent Le Guay est philosophe. Son Dernier livre, Les HĂ©ritiers PĂ©guy», est paru en 2014 Éditions Bayard.Le 15 aoĂ»t 1914, le lieutenant Charles PĂ©guy, assiste Ă  la messe de l'Assomption dans l'Ă©glise de Loupmont - dans la Meuse. Depuis presque dix ans, il sait cette guerre inĂ©vitable. Depuis quinze jours, il est sous les drapeaux. Je pars, dit-il, soldat de la RĂ©publique, pour le dĂ©sarmement gĂ©nĂ©ral, pour la derniĂšre des guerres.» Un Dieu qui mord » a plantĂ© sa dent dans son cƓur. Il est harponnĂ©. Le 3 septembre, il passera la nuit Ă  dĂ©poser des fleurs au pied de la statue de la Vierge dans la chapelle de la butte de MontmĂ©lian - aux alentours de VĂ©mars. Et le 5 septembre, Ă  Villeroy prĂšs de Meaux, il meurt debout, frappĂ© par une balle en plein front. Sa Grande Guerre aura Ă©tĂ© courte elle aura durĂ© un partir de 1907, ce socialiste impĂ©nitent, trop pur pour ĂȘtre encartĂ©, sent monter en lui, comme un fleuve par-dessus la digue, une foi chrĂ©tienne. Elle vient au bout de son socialisme et de son combat pour Dreyfus. Ce retour n'est pas une dĂ©mission ; son catholicisme ne sera pas une capitulation. Un Dieu qui mord» a planté» sa dent» dans son cƓur. Il est harponnĂ©. Mais tout seul. Seul au milieu de ses amis, seul dans sa famille, seul parmi les chrĂ©tiens. À rebours des autres, il ne cessera de lutter - comme Jacob avec l'ange. Vers qui se tourner? Vers les thĂ©ologiens catholiques? Ils sont trop raides», trop assurĂ©s d'eux-mĂȘmes. Vers les curĂ©s»? Ils laissent croire», dit-il, qu'il n'y a» pour ĂȘtre catholiques que les sacrements» - alors que PĂ©guy en est exclu, lui qui n'est pas mariĂ© religieusement. Il lui reste les priĂšres, le catĂ©chisme, les paraboles et les saints. Je suis de ces catholiques, dira-t-il, qui donneraient tout Saint Thomas pour le Stabat, le Magnificat, l'Ave Maria et le Salve RĂ©gina.» Toutes ces priĂšres Ă  la Vierge sont Ă  disposition. À portĂ©e de main. Il suffit de les dire, pour entrer en communion avec Dieu. De les murmurer pour dĂ©poser les armes au pied de Celle qui est l'avocate des causes perdues. De les rĂ©citer pour s'expliquer et s'ausculter le cƓur et surtout faire la paix avec PĂ©guy sait que la grĂące s'engouffre en courant d'air dans un cƓur attendri, qu'elle colmate les Ăąmes blessĂ©es. soi-mĂȘme. PĂ©guy le fera de textes en emportements, de dialogues en priĂšres, comme une gĂ©niale confession Ă  livres ouverts. Il sera le chrĂ©tien des Ă©preuves Ă  surmonter et non des preuves Ă  donner. Que va-t-il comprendre avec Marie, loin des traitĂ©s de thĂ©ologie et de la logique trop imparable des philosophes?D'abord la puissance de consolation d'une MĂšre. Un jour, pour s'en sortir, sans en parler Ă  son Ă©pouse incroyante, PĂ©guy s'en vient prier. Il est tout plein d'une grande colĂšre», et d'une grande violence», et d'une grande dĂ©votion», et submergĂ© de tracas familiaux. Avec hardiesse, il remet ses enfants entre les bras de la Sainte Vierge». Si le Fils prend tous les pĂ©chĂ©s», la MĂšre a pris toutes les douleurs». PĂ©guy s'en retourne confiant, rassĂ©rĂ©nĂ©. Il en sera toujours ainsi. Quand il se dĂ©barbouille l'Ăąme, avance sur le chemin caillouteux de la grĂące», offre ses paquets de peines, il se tourne vers Notre-Dame. Il marchera trois fois vers celle de Chartres. Trois pĂšlerinages pour lui confier la maladie de ses enfants, la mort d'un ami, des tentations d'infidĂ©litĂ©. GrĂące Ă  la maĂźtresse du Marie est la plus prĂšs de Dieu parce qu'elle est la plus prĂšs des hommes ». raccordement», il sera remis au centre de misĂšre», dans l'axe de dĂ©tresse». Et malgrĂ© tous ces coups de fortune» et de malendurance et de brutalité», il ne sera pas dĂ©tournĂ©. Toujours, il s'offre dans son cƓur sacramentaire.»Ensuite le pĂšlerin va vers Celle qu'il nomme refuge du pĂ©cheur». Quand Maritain, converti en mĂȘme temps que lui, offre Ă  l'Église sa soumission, PĂ©guy, lui, offre Ă  Dieu ses pĂ©chĂ©s. Il sait que les pĂ©chĂ©s se dĂ©posent et sont au centre du mĂ©canisme chrĂ©tien». En creux, en nĂ©gatif, le pĂ©cheur est chrĂ©tien. Et il n'y a pas de chrĂ©tiens sans pĂ©chĂ©s. Les reconnaĂźtre, les mettre devant soi, fait entrer dans ce dialogue salutaire du saint et du pĂ©cheur. Le saint donne la main au pĂ©cheur.» Il l'aide ; rĂ©pond toujours prĂ©sent. Une entraide spirituelle s'instaure. Un dialogue dans le ventre du cƓur» s'Ă©tablit aussi avec la reine de tous les saints».Ensuite la maĂźtresse des secrets» le pousse toujours du cĂŽtĂ© de la tendresse. PĂ©guy sait que la grĂące s'engouffre en courant d'air dans un cƓur attendri, qu'elle colmate les Ăąmes blessĂ©es. Et dans sa PriĂšre de confidence, il dit garder notre pauvre tendresse» non par vertu»car nous n'en avons guĂšre», non par devoir»car nous ne l'aimons pas», mais pour mieux prendre le mal dans sa pleine justesse». Et ailleurs, dans le dialogue qu'il instaure avec la Sainte Vierge», il reconnaĂźt n'ĂȘtre pas du mĂȘme avis qu'elle. Lui est encore du cĂŽtĂ© de la justice, quand elle est toujours pour la misĂ©ricorde». Il finira par ĂȘtre de son cĂŽtĂ©. Et ainsi trouvera la paix du la Vierge-MĂšre lui fait comprendre ce qu'est une Ăąme charnelle». Marie est la plus prĂšs de Dieu parce qu'elle est la plus prĂšs des hommes». Et si Ă  toutes les crĂ©atures, il manque quelque chose», Ă  elle il ne manque rien». Elle est humaine et innocente ; charnelle et sans taches. Unique. En parfait ajustement. Pour PĂ©guy, tout est lĂ  dans ce lien mystĂ©rieux», créé par Dieu, dans cette liaison du corps et de l'Ăąme». Il reproche aux curĂ©s de discrĂ©diter le monde, et les hommes qui s'y engagent, pour mieux prĂ©server» Dieu. Il faudrait choisir et mĂ©priser l'ici-bas» pour mieux sauver» son Ăąme. Erreur. HĂ©rĂ©sie. Pour lui, une Ă©vidence s'impose Le surnaturel est lui-mĂȘme charnel/ Et l'arbre de la grĂące est racinĂ© profond .../ Et l'Ă©ternitĂ© mĂȘme est dans le temporel.» Tout se tient. Tout explique cette Assomption fĂȘtĂ©e par PĂ©guy il y a cent ans juste avant de mourir Toute Ăąme qui se sauve aussi sauve son corps/ Toute Ăąme qui se sauve ensauve aussi son corps.»Toutes ces intuitions thĂ©ologiques ouvrent la porte Ă  une formidable thĂ©ologie totale de l'espĂ©rance» -selon ce que le grand thĂ©ologien Hans Urs von Balthasar dira de PĂ©guy - qui portera des fruits tout au long du XXe siĂšcle.
CharlesPĂ©guy. « La mort n'est rien : je suis seulement passĂ©, dans la piĂšce Ă  cĂŽtĂ©. Je suis moi. Vous ĂȘtes vous. Ce que j'Ă©tais pour vous, je le suis toujours. Donnez-moi le nom que vous m'avez toujours donnĂ©. Parlez-moi comme vous l'avez toujours fait, n'employez pas un ton diffĂ©rent. Ne prenez pas un air solennel ou triste. Continuez Ă  rire de ce qui nous faisait rire ensemble
BibliothĂšque publique d’information – notre rĂ©ponse du 10/21/2005. ActualisĂ©e le 26/04/2021 © via WikimĂ©dia Commons Charles PĂ©guy 1873 – 1914 Ă©tait un poĂšte français du XXĂšme siĂšcle. Son Ɠuvre, multiple, comprend des piĂšces de théùtre en vers libres, comme Le Porche du MystĂšre de la deuxiĂšme vertu 1912, et des recueils poĂ©tiques en vers rĂ©guliers, comme La Tapisserie de Notre-Dame 1913, d’inspiration mystique, et Ă©voquant notamment Jeanne d’Arc,Parmi ces Ă©crits, Charles PĂ©guy y aurait-il Ă©crit la mort n’est rien ; je suis seulement passĂ© dans la piĂšce Ă  cĂŽtĂ© ? Sur le site créé par L’AmitiĂ© Charles PĂ©guy, afin de faire redĂ©couvrir cet Ă©crivain, mentionne dans un article que le poĂšme La mort n’est rien », souvent attribuĂ© Ă  Charles PĂ©guy n’a en fait pas Ă©tĂ© Ă©crit par ce dernier. Extrait Le texte intitulĂ© La mort n’est rien » est souvent lu lors d’obsĂšques. C’était ainsi le cas lors des funĂ©railles de la comĂ©dienne Annie Girardot, le 4 mars. La plupart des gens pensent que ce texte a Ă©tĂ© Ă©crit par Charles PĂ©guy, ce qui n’est en fait pas le cas ». Charles PĂ©guy n’aurait donc pas Ă©crit La mort n’est rien ; je suis seulement passĂ© dans la piĂšce Ă  cĂŽtĂ©. ».Extrait En tout Ă©tat de cause, Charles PĂ©guy n’est pas l’auteur de ce texte. En serait-il un simple traducteur » comme on peut le lire sur certains forums ? Impossible, PĂ©guy n’était pas Ă  Londres le 15 mai 1910 lorsque ces mots Death is nothing at all » ont Ă©tĂ© prononcĂ©s. Par ailleurs, il est mort en 1914, alors que le texte n’a Ă©tĂ© publiĂ© pour la premiĂšre fois qu’en 1919, dans un ouvrage appelĂ© Facts of the Faith aux Ă©ditions Longmans, Green & Co Ă  Londres, comme nous l’a confirmĂ© Joseph Wisdom, actuel responsable de la bibliothĂšque de la CathĂ©drale St Paul. » VĂ©ritable auteur de ce vers Henry Scott Holland thĂ©ologien, Ă©crivain et chanoine britannique, prononce ces mots extraits de son sermon Death the King of Terror, le 15 mais 1910, Ă  la cathĂ©drale Saint-Paul de Londres 9 jours aprĂšs le dĂ©cĂšs du roi Édouard Blog, Princes et princesses d’Europe Biographies de Charles PĂ©guy PoĂšte et penseur engagĂ© de son Ă©poque, il est un des auteurs majeurs du XXĂšme siĂšcle. Pourtant, son hĂ©ritage intellectuel est aujourd’hui souvent mĂ©connu. Le but de ce site, créé par l’AmitiĂ© Charles PĂ©guy, est prĂ©cisĂ©ment de faire redĂ©couvrir cet Ă©crivain et de prouver – avec vous et grĂące Ă  vos contributions – qu’il n’appartient pas au passĂ©. »Biographie CHARLES PEGUY 1873-1914 via le site de L’AmitiĂ© Charles PĂ©guy. Charles PĂ©guyMichel LeplayDesclĂ©e De Brouwer, Dans cette biographie, Michel Leplay, pasteur, tente de cerner la vĂ©ritĂ© de cet Ă©crivain, philosophe et poĂšte. Trois aspects sont particuliĂšrement dĂ©veloppĂ©s l’engagement politique de PĂ©guy, notamment sa mystique dreyfusarde et socialiste ; sa conversion religieuse atypique et la polĂ©mique qu’elle allait susciter ; l’homme d’écriture enfin, auteur d’une oeuvre foisonnante et complexe. » Charles PĂ©guyLes Editions du Cerf, A l’occasion du centenaire de la mort de l’homme de lettres, des spĂ©cialistes de C. PĂ©guy 1873-1914 reviennent sur sa vie, sa pensĂ©e et ses engagements.» Charles PĂ©guy biographieMarc Tardieu, Biographie en trois dimensions quotidienne, historique et intĂ©rieure, de cet auteur inclassable, hantĂ© par le spirituel et le socialisme. » Pour aller plus loin
 L’hĂ©ritage de l’Ɠuvre de Charles PĂ©guy est mĂ©connu. Pour faire redĂ©couvrir ses poĂšmes, l’AmitiĂ© Charles PĂ©guy lui ont consacrĂ© un site retraçant sa biographie et son parcours littĂ©raire. Il est Ă©galement possible de consulter des vidĂ©os sur le mĂȘme sujet depuis leur chaĂźne Charles PĂ©guy est nĂ© le 7 janvier 1873 Ă  OrlĂ©ans. Il est le premier et l’unique enfant d’une famille d’artisans modestes. Sa mĂšre et sa grand-mĂšre maternelle sont rempailleuses de chaise ; son pĂšre, ouvrier menuisier, a laissĂ© sa santĂ© sur les barricades de 1870. Il meurt alors que Charles n’a que dix mois. Les deux femmes entre lesquelles grandit le petit garçon s’activent du matin au soir afin de gagner l’argent nĂ©cessaire aux besoins du foyer. » EurĂȘkoi – BibliothĂšque publique d’information.
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